DĂ©but 2019, je dĂ©cidais de quitter mon premier CDI en tant que dĂ©veloppeuse. Je nâĂ©tais pas Ă©ligible au chĂŽmage, et jâavais, au final, assez peu dâargent de cĂŽtĂ© (de quoi tenir 2-3 mois). Mais cela faisait un petit moment dĂ©jĂ que je nâarrivais pas Ă trouver ma place, la motivation et lâinspiration pour continuer dans lâentreprise oĂč jâĂ©tais. Jâai alors pris mon courage Ă deux mains pour dĂ©missionner afin de me lancer dans la grande aventure du freelance.
Bien que ce format ne convienne pas Ă tout le monde, je considĂšre aujourdâhui, presque 4 ans plus tard, quâil sâagissait du meilleur choix pour moi, Ă ce moment donnĂ© de ma carriĂšre. De nombreuses personnes mâont aidĂ© Ă me lancer, puis Ă persĂ©vĂ©rer, et jâai eu Ă©normĂ©ment de chance dans les rencontres que jâai faites.
Voici venu le moment de partager mon expérience, pour motiver les personnes que cela pourrait tenter, et donner des conseils qui se sont avérés trÚs utiles pour moi.
Ă partir du moment oĂč jâai dĂ©cidĂ© de partir, les choses se sont faites assez naturellement. Jâaime penser que câest le fait de me mettre dans le mouvement qui mâa permis de me lancer. Pour cela, alors que jâĂ©tais dĂ©jĂ dĂ©cidĂ©e Ă partir, jâai commencĂ© Ă organiser de nombreux dĂ©jeuners, dĂźners et verres avec des personnes que je trouvais inspirantes (tous domaines confondus). Je leur parlais du goĂ»t du risque, je confrontais les retours quâils pouvaient avoir face Ă mon ressenti, mon envie tenter de nouvelles expĂ©riences. Je notais tout en rentrant chez moi. CâĂ©tait une vĂ©ritable source dâinspiration pour moi.
Jâai fait ça durant un mois. JâĂ©tais alors dĂ©terminĂ©e Ă me lancer : je savais pourquoi je partais.
Puis, premier jour sans travail. Je continuais sur la mĂȘme dynamique. Afin de garder la mĂȘme impulsion, jâai commencĂ© Ă Ă©crire une newsletter hebdomadaire avec mes avancĂ©es de la semaine prĂ©cĂ©dente et les objectifs de la semaine Ă venir. Elle Ă©tait destinĂ©e Ă mes proches, et me donnait l'habitude de noter mes objectifs Ă court, moyen et long terme. En rĂ©alitĂ©, jâapprenais Ă mâauto motiver, compĂ©tence essentielle en freelance.
Puis, jâai commencĂ© Ă me lancer dans des projets qui me plaisaient, notamment la crĂ©ation de mon portfolio, sur lequel je pouvais Ă©crire des articles. Cela mâa permis dâavoir du contenu Ă partager sur les rĂ©seaux sociaux : tout le monde autour de moi savait que je mâĂ©tais installĂ©e Ă mon compte. Jâai Ă©galement bĂ©nĂ©ficiĂ© du soutien et du mentorat dâanciens collĂšgues et amis qui me conseillaient dans mes choix techniques.
Au bout de quelques semaines, un ami qui venait de lever des fonds en seed pour son entreprise mâa proposĂ© de venir travailler avec lui dans le coworking oĂč il avait une place libre. Eux-mĂȘmes avaient des besoins en frontend, et plus rapidement que prĂ©vu, alors mĂȘme que je venais tout juste de terminer mon portfolio, il me proposait de rĂ©aliser leur interface : je dĂ©crochais alors ma premiĂšre mission đ.
Comme je le disais plus tĂŽt, je nâavais pas le droit au chĂŽmage, le choix de statut juridique paraissait donc assez Ă©vident : le plus simple Ă©tait de mâinstaller en auto-entreprise. Jâavais dĂ©jĂ un compte bancaire Ă part qui ne servait Ă rien (sans aucun moyen de paiement associĂ©), mais câĂ©tait tout ce dont jâavais besoin. Je faisais donc la dĂ©claration par moi-mĂȘme, en googlant Ă chaque question pour mâassurer que je ne faisais pas dâerreur.
Ce statut mâa dâailleurs suffi les quasi 4 ans quâont durĂ© mon activitĂ© de freelance, et il Ă©tait assez simple Ă gĂ©rer :
Le plus compliquĂ© a Ă©tĂ© lorsque jâai dĂ©passĂ© le seuil dâexonĂ©ration en TVA au-delĂ duquel jâai dĂ» la facturer et la reverser. JâĂ©tais complĂštement perdue. Mais encore une fois, jâai eu beaucoup de chance. Jâai tout simplement dĂ©cidĂ© de me rendre dans mon centre dâimpĂŽts (qui se trouvait Ă 10 minutes Ă pied de chez moi). Je leur ai dit que je ne comprenais pas comment faire, quel formulaire remplir. Ils ont pris le temps de mâexpliquer et mâont aidĂ© Ă renseigner toutes mes informations.
Ils ont mĂȘme anticipĂ© mes futurs besoins en mâaidant Ă faire ma dĂ©claration pour la CFE. Il sâagit dâailleurs de mon principal conseil par rapport Ă lâadministratif : dans le doute, nâhĂ©sitez pas Ă contacter lâadministration. Jâai lâimpression que la plupart des agents sont dâune aide prĂ©cieuse lorsquâun·e entrepreneur·e se prĂ©sente en Ă©tant respectueux, dans les dĂ©lais, avec lâenvie de bien faire.
Durant toute mon expĂ©rience en freelance, jâai eu lâoccasion de tester de nombreux formats. Lorsque jâĂ©tais encore dans mon expĂ©rience prĂ©cĂ©dente, jâen avais profitĂ© pour mâauto-former en design. Jâai mĂȘme pu mettre Ă profit ces compĂ©tences nouvellement acquises. Dans certaines missions, jâĂ©tais uniquement dĂ©veloppeuse frontend, dans dâautres je devais faire un peu de design, parfois, jâĂ©tais plus que fullstack (design, frontend, backend, infra). Jâai tentĂ©, comparĂ© et constatĂ© de ce que je prĂ©fĂ©rais, et ce qui ne me convenait pas. Alors mĂȘme que jâĂ©tais junior, jâai fait lâerreur de mâengager sur des devis chiffrĂ©s avec une liste de fonctionnalitĂ©s Ă livrer au client. Y compris des fonctionnalitĂ©s que je nâavais encore jamais codĂ©es. Aujourdâhui, sâil y a bien une chose que je dĂ©conseille, câest de chiffrer des estimations, encore plus lorsqu'on a peu d'expĂ©rience.
Jâai Ă©galement testĂ© plusieurs types dâentreprise : celle qui vient tout juste dâĂȘtre financĂ©e en seed, celles dâune cinquantaine de personnes, dâautres plus petites mais tout aussi ambitieuses. Les diffĂ©rences de contextes mâont beaucoup plu, et permis dâapprendre Ă©normĂ©ment, que ce soit techniquement, ou encore en termes de process en entreprise.
Le freelance a Ă©galement Ă©tĂ© lâoccasion pour moi de tenter des types dâactivitĂ©s trĂšs diffĂ©rentes de ce que je faisais : lâenseignement, le consulting, etc.
Au bout de quelques mois de freelance, jâai reçu une proposition dâadapter des cours en français pour OpenClassrooms. MĂȘme si jâĂ©tais encore junior, adapter du contenu dĂ©jĂ existant en anglais restait rĂ©alisable pour moi. VoilĂ comment jâai mis le pied dans lâenseignement du code, ce qui, de fil en aiguille, mâa permis dâavoir mon propre cours de code Ă Sciences Po. Mais cela fera lâobjet dâun autre article đ.
Ă mâĂ©couter, on dirait que tout sâest enchaĂźnĂ© sans aucune difficultĂ©. Et pourtant, si je vous disais que jâai failli tout laisser tomber au bout dâun an ? Je mâĂ©tais retrouvĂ©e dans une situation tellement dĂ©sagrĂ©able, dans un tel Ă©tat de stress que jâavais fini par croire que je nâĂ©tais pas faite pour le mĂ©tier de dĂ©veloppeuse et quâil fallait que jâabandonne.
Jâai notamment un projet Ă lâesprit oĂč tout est parti de travers. Si jâavais la mĂȘme proposition aujourdâhui, je ne ferais pas les mĂȘmes erreurs, mais Ă lâĂ©poque, je manquais justement dâexpĂ©rience. Il nây avait pas dâĂ©quipe technique. Ils avaient pourtant besoin dâune plateforme entiĂšre, avec des fonctionnalitĂ©s assez complexes. Tout Ă©tait Ă crĂ©er seule : le design, le frontend, le backend, la mise en production, etc. Le projet a Ă©tĂ© fait en deux temps : la partie la plus simple, pour laquelle jâai rĂ©ussi Ă (presque) tenir mes estimations, sans trop dĂ©border, en sortant un produit satisfaisant. Puis, je me suis engagĂ©e quelques mois plus tard sur la deuxiĂšme partie plus complexe de lâapplication, et lĂ , ça a totalement dĂ©rapĂ©. Le client a exigĂ© beaucoup de fonctionnalitĂ©s, je nâosais pas dire non, je nâai pas comptĂ© mes jours, je me suis retrouvĂ©e Ă dĂ©passer totalement. JâĂ©tais dans une situation extrĂȘmement frustrante oĂč je perdais des jours, sans ĂȘtre payĂ©e plus, alors que je nâen voyais pas le bout techniquement, jâĂ©tais seule dans mon coin. Le client quant Ă lui ne comprenait pas ce qui prenait autant de temps, et continuait Ă mâajouter de nouvelles spĂ©cifications, Ă changer dâavis. Comme jâĂ©tais mal Ă lâaise, je nâosais pas dire non.
Plus je donnais, plus il prenait. Je me souviens dâun dimanche soir oĂč il mâavait Ă©crit Ă 23h pour me signaler que lâaffichage dâun composant Ă©tait cassĂ© (en sâexclamant que câĂ©tait vraiment grave et urgent). Le cauchemar đ±. Dâautant plus que le premier confinement est arrivĂ© en plein milieu : la communication Ă©tait encore plus compliquĂ©e. La situation a continuĂ© de se dĂ©grader. AprĂšs beaucoup de stress, de frustration de mon cĂŽtĂ© et du cĂŽtĂ© de mon client, nous avons fini par trouver un terrain dâentente. Je me suis jurĂ©e que je ne travaillerais plus jamais Ă nouveau dans ces conditions.
AprĂšs cette expĂ©rience difficile, j'ai notĂ© chacun des critĂšres qui me permettraient d'Ă©viter au maximum de me retrouver dans une situation similaire. Alors voilĂ mes 10 principales leçons sur le freelances đ
Pourtant, comme je le disais en introduction, je reste persuadĂ©e que jâai fait le meilleur choix de carriĂšre possible Ă ce moment donnĂ©. Alors comment jâen suis arrivĂ©e lĂ ?
Tout dâabord, la situation trĂšs compliquĂ©e que je dĂ©cris plus tĂŽt est arrivĂ©e au bout de moins d'un an de freelance. Mais aprĂšs, durant plus de 2 ans, je nâai jamais revĂ©cu de vĂ©ritable situation dĂ©sagrĂ©able : mes clients ont toujours payĂ© Ă lâheure, ont toujours Ă©tĂ© Ă lâĂ©coute, respectaient mes limites, je nâai jamais eu plus de 2 semaines de battement non souhaitĂ© entre deux missions. Jâai pu collaborer avec des personnes vraiment stimulantes. La situation idĂ©ale.
Cela mâa permis de progresser en autonomie, mais aussi et surtout dâun point de vue technique.
Je considÚre que le fait de devoir démarrer de nouveaux projets, souvent seule, permet de se poser des questions : pourquoi utiliser telle technologie, quel process et quelle communication mettre en place ?
Dâautant plus que jâai Ă©tĂ© amenĂ©e Ă travailler sur des projets techniques assez diversifiĂ©s : crĂ©ation dâune librairie de composants pour un Design System, travail sur une interface de livraison, frontend pour un site dâenchĂšres, etc.
Lâenseignement a Ă©galement Ă©tĂ© lâoccasion pour moi de me replonger dans la thĂ©orie, de revoir les bases, et ainsi de solidifier mes acquis (comme jâai pu le constater Ă 42, câest seulement lorsquâon est capable dâexpliquer un concept Ă une autre personne quâon lâa vĂ©ritablement compris).
Entre 2019 et 2022:
Encore une fois, je suis extrĂȘmement reconnaissante de lâexpĂ©rience que jâai acquise sur ces presque 4 ans, surtout auprĂšs des personnes qui mâont fait confiance, et de celles qui mâont accompagnĂ©es. Pourtant, quelques frustrations par rapport Ă ma situation de freelance demeuraient :
Le freelance reste avant tout une aventure solitaire. MĂȘme lorsque je me sens prĂȘte Ă vĂ©ritablement mâengager dans une Ă©quipe, Ă partager mon enthousiasme et Ă rencontrer de nouvelles personnes que je trouve inspirantes, il existe toujours une sorte de distance infranchissable en freelance.
Si le freelance permet de progresser rapidement techniquement, je me suis sentie confrontĂ©e Ă un plafond technique durant ma derniĂšre annĂ©e : on ne manage pas dâĂ©quipe, les projets sont souvent plus petits, moins structurĂ©s, moins testĂ©s.
La sĂ©paration entre vie personnelle et vie professionnelle est assez dure Ă maintenir. Je trouve cela tellement dur dâanticiper des congĂ©s, de devoir prĂ©venir tous ses clients, et de sâautoriser de prendre du temps libre. Cela a un prix.
Pour toutes ces raisons, j'ai senti que ma route me conduisait ailleurs. VoilĂ pourquoi, l'Ă©tĂ© dernier, jâai dĂ©cidĂ© dâaccepter un CDI dans la super entreprise MeiliSearch, afin dâĂȘtre dĂ©veloppeuse au sein de leur Ă©quipe Cloud. Je pourrai malgrĂ© tout continuer dâenseigner le code, notamment Ă Sciences Po. MĂȘme si ces quasi 4 ans de freelance ont Ă©tĂ© une superbe aventure, je suis extrĂȘmement heureuse de faire partie de Meili. đ